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les dames du monde qui eurent sa préférence ; elles étaient parfumées et il raffolait des odeurs. Aussi était-il empressé près de ces dames, trop même, car il voulait leur témoigner son amabilité par des coups de bec qui auraient pu les détériorer. Il fallut donc l’éloigner ; il protesta à sa manière, mais on ne lui céda pas.

Dans la soirée, mon maître me demanda de vieux mouchoirs. Nous les déchirâmes par bandes très étroites, et à l’aide d’un poinçon, il introduisit ces bandelettes sous les vêtements des six poupées habillées en veuves ; on les bourra le plus possible de façon à leur donner un abdomen bien proéminent qui ne pouvait laisser aucun doute sur leur situation intéressante… Puis on les replaça dans les cartons, on refit le paquet et le lendemain à la première heure, la personne qui avait adressé cet envoi recevait ce retour qui dut lui donner à réfléchir et lui faire comprendre qu’il n’y avait pas autant de veuves qu’elle voulait bien le faire croire.

Cette affaire ne fit pas de bruit dans Landerneau ; mais dans le quartier qui va du boulevard Malesherbes à l’Arc-de-Triomphe, les dames du grand monde ne s’abordaient plus que par des : « Ah ! ma chère, c’est inouï ; vous le savez ?… Six ! Oui, ma chère, six ! dans une même nuit ! Parfaitement. Entre deux crépuscules ! »


Mon maître est prêt à partir pour une grande soirée. Il tourne et retourne son claque entre ses mains ; tout en le regardant, il finit par dire :

« Il est bien usé et surtout démodé. Il faudra que je m’en commande un ; car, excepté pour mes chapeaux mous, je suis toujours obligé de les faire faire sur mesure. J’ai la tête si ronde que je ne trouve jamais rien de tout fait. Cette tête absolument ronde que nous