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fous, étaient perdues, toutes les serviettes et tous les mouchoirs du bord furent employés pour sécher et tâcher de réparer ce désastre, qu’on ne faisait au contraire qu’accroître, car en frottant, les couleurs s’étendaient d’autant plus les unes sur les autres. Donc, rien à faire, tout était perdu. Personne ne put s’expliquer ce coup de traîtrise de la mer, au moment où Bernard tenait la barre ? Ordre fut donné de rentrer immédiatement.

Je connus plus tard le motif de cette inondation. Il était l’heure de rentrer, mais sur le désir exprimé par une de ces dames, on marchait toujours vers le large, et c’est pour décider le retour que Bernard s’arrangea pour laisser le pont du Bel-Ami recevoir deux mètres d’eau, il se défendit comme un beau diable, disant qu’il avait été surpris. L’admit qui voulut, mais c’est la seule fois à ma connaissance que pareil accident lui soit arrivé.

Le matin qui suivit cette sortie en bateau, mon maître se leva un peu plus tard que d’habitude. En lui servant son thé, il me parut à peine éveillé, comme s’il n’était pas encore revenu du coup de vague de la veille. En allant et venant dans le salon, il me dit qu’il n’avait pas encore compris cette méprise de Bernard. Puis il ajouta :

« Avez-vous vu la princesse allongée sur le pont ? Elle occupait la moitié de la longueur du Bel-Ami… J’aime beaucoup l’esprit de cette princesse, gai, subtil, mais aussi parfois, avec des envolées superbes. Je vous conterai son histoire un autre jour. Ce matin, je suis resté étendu une heure de plus dans mon lit, pour mettre debout le conte que je veux écrire aujourd’hui. »


Nous voici aux premiers jours de mars, la végétation est déjà bien avancée, il y a des fleurs de toutes sortes dans les jardins, tous les balcons des villas sont garnis à