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ce qu’on nomme la société que juste le nécessaire, pour être agréable à son fils, et c’est avec grand plaisir qu’elle recevait les savants, les érudits, les lettrés.

Il fallait voir son enthousiasme quand un jour je lui annonçai Mme et M. le docteur X…, d’outre-Manche… Vite, elle s’empressa de passer sur ses cheveux blancs un tout petit peigne pour lisser un peu ses bandeaux et, sans quitter sa longue robe de chambre, elle fut tout de suite près de ses grands amis. C’est que ceux-ci étaient un ménage assorti, aussi savants l’un que l’autre. La conversation s’engagea tout de suite, les politesses courantes ne comptaient guère pour eux et, de 2 heures à 7 heures du soir, ce fut un cours mutuel, sans arrêt, si ce n’est que Mme X… prit son thé, et M. X… ses verres d’eau. Trois carafes lui furent nécessaires pour son après-midi. Mme de Maupassant, qui ne boit pas, me disait en riant qu’elle avait supporté ce choc à sec, comme un certain animal la traversée du désert…

À table, le soir, encore sous l’émotion de cette bonne journée, Madame en parla à son fils, lui énuméra les charmants propos qui lui revenaient à l’esprit. Elle se penchait vers lui, comme pour mieux les lui faire comprendre ; son attitude est tout à fait celle d’une maman qui parle à un enfant, sa voix, par moments, scande les mots, puis l’intonation se fait plus forte ou plus douce, selon ce qu’elle dit. On sent son cœur vibrer, et c’est la mère et le professeur ne formant plus qu’un qui parle à mon maître. Lui, l’écoute religieusement, place de temps à autre un mot seulement, car il sait que ces jours-là, ce n’est pas son tour de parler et qu’il a beaucoup plus à gagner en écoutant.


Monsieur a eu quelques migraines ; pendant plusieurs