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tait plus. Alors l’ex-ministre de Victor-Emmanuel, s’adressant à mon maître, lui dit : « Monsieur de Maupassant, le macaroni à l’italienne bien préparé est sûrement bon ; mais celui que nous venons de manger le vaut au centuple, mettons qu’il soit à la française, peu importe, mais j’affirme que je n’ai jamais mangé rien de meilleur. »

Aussitôt je vis la figure de Monsieur reprendre sa bonne expression habituelle. Mon saladier était excusé, tout le monde se mit à parler cuisine. Ces messieurs avaient chaud, ils ne paraissaient pas s’ennuyer, la conversation très animée marchait bon train ; à la fin du dîner, un des convives s’écria : « Si nous avons le plaisir de faire une expédition ensemble, nous vous demandons, cher Monsieur, d’emmener l’homme qui a fait le dîner si succulent que nous venons d’avoir l’honneur de prendre à votre table. » Et, sans donner le temps à mon maître de répondre, tous disaient : « Oui, oui… »


25 décembre. — Des femmes juives passaient en grande toilette sur l’avenue de la Marine. En les regardant, mon maître me demande si le guide m’a fait voir la grosse Tunisienne, une des illustrations du cru. Je réponds : « Oui. » Monsieur ajoute : « L’avez-vous vue nature ? » De nouveau je réponds : « Oui. » Alors, Monsieur : « Quel monstre, hein ! Ce n’est plus une boule, c’est une montagne de graisse. » Il me demanda encore : « Vous a-t-il aussi fait passer chez la mère ? Comme c’est curieux tout de même, cette mère qui tient maison ouverte avec ses deux propres filles, et cela, avec une aisance incroyable ! Mais, d’après ce que dit le guide, ce genre de commerce est très commun ici. Quelle drôle