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pour un voyage de huit à dix jours ; j’ai eu aujourd’hui une occasion, une chance inespérée. Voici le fait. Je suis allé au cercle des officiers, j’avais un mot d’introduction pour plusieurs d’entre eux. Les premières paroles échangées, l’un d’eux me dit : « Comme nous sommes heureux de vous voir et quelle bonne étoile vous amène aujourd’hui parmi nous ! » Il ajouta : « Attendez. Je cours voir s’il en est temps encore. » Il prit son képi et fut absent un quart d’heure. Pendant ce temps, je continuai à causer des mœurs tunisiennes et aussi de Paris. Lorsqu’il rentra, tout content, il me dit : « Voici, monsieur de Maupassant, ce que je suis heureux de vous offrir, au nom du directeur de la banque de Tunis ; voulez-vous l’accompagner dans un voyage en landau qu’il va faire à travers la Tunisie jusqu’à Kairouan, où il va visiter les fermes de Lanfida, fermes comme, sans doute, vous n’en avez pas encore vu. Il devait partir aujourd’hui, mais si vous voulez bien accepter son invitation, il différera son départ jusqu’à demain matin neuf heures. Vous serez quatre ; le directeur sera accompagné de deux secrétaires de la banque, tous deux anciens officiers ayant pris part à l’expédition française sur cette belle terre de Tunisie, qui, j’en suis persuadé, saura vous inspirer des pages plus belles encore que celles que vous avez écrites sur l’Algérie dans votre volume Au Soleil. » J’acceptai !…

« Et sur toutes les figures qui m’entouraient se lisait la joie de recevoir ma visite. La vie est si monotone, loin du cœur de la France ! Je compris le plaisir qu’ils éprouvaient à posséder pendant quelques instants un écrivain qui les avait amusés plusieurs fois par ses contes et ses récits. Subitement je me mis à rire inté-