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d’éveiller tout le monde au son du tocsin, dès que le jour commencerait à paraître : Nina seule ne put reposer. L’instant de son malheur approchait et elle n’y voyait plus de remède. Vingt fois dans la journée la pauvrette avait cherché l’occasion de s’enfuir. Elle l’eût fait sans crainte si la chose eût été possible, mais elle avait trop d’yeux à tromper, et son unique consolation fut de passer la nuit dans les larmes.

Vers minuit la lune se leva. Le guetteur, qui le soir avait un peu bu et qui s’était endormi, se réveillant tout à coup et voyant une grande clarté, crut qu’il était déjà tard, et se hâta bien vite de sonner son tocsin. Aussitôt tout le monde de se lever, et les domestiques de seller les chevaux. Le palefroi gris, comme le plus beau, fut destiné pour la demoiselle. À cette vue, elle ne put contenir sa douleur et fondit en larmes. On n’y fit point attention, parce que ces larmes furent attribuées au regret de quitter la maison paternelle. Mais quand il fut question de monter le cheval, elle s’y refusa si opiniâtrement qu’il fallut l’y placer comme de force.

On partit : d’abord marchaient les domestiques, hommes et femmes, puis les gens de la noce, puis la mariée qui, peu empressée d’arriver, s’était mise à la queue de la troupe. On l’avait confiée à un vieux chevalier, homme sage et renommé, lequel devait lui servir de parrain pour la cérémonie, et celui-ci fermait la marche.

Il y avait pour arriver à Médot trois lieues à faire, toujours dans la forêt, et par un chemin de traverse si étroit, que deux chevaux pouvaient à peine y passer de front. Il fallut donc aller à la file. Pendant la