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et vous n’en serez pas surpris. Vous-même, si, après l’avoir vue, l’instant d’auparavant, dans son village, on vous l’eût montrée tout à coup avec la couronne en tête, je suis sûr que vous n’auriez pu vous défendre d’une sorte d’étonnement.

Le mariage et les noces furent célébrés le jour même. Le palais retentissait de toutes sortes d’instruments. De tous côtés on n’entendait que des cris de joie, et les sujets, ainsi que leur seigneur, paraissaient enchantés.

Jusque-là Griselidis s’était fait estimer par une conduite vertueuse. Dès ce moment, douce, affable, obligeante, elle se fit aimer encore plus qu’on ne l’estimait, et, soit parmi ceux qui l’avaient connue avant son élévation, soit parmi ceux qui ne la connurent qu’après, il n’y eut personne qui n’applaudît à sa fortune.

Quelques mois après, elle donna le jour à une fille qui promettait d’être aussi belle que sa mère. Quoique le père et les vassaux eussent plutôt désiré un fils, il y eut cependant par tout le pays de grandes réjouissances.

L’enfant fut nourrie au pays par sa mère ; mais, dès qu’elle fut sevrée, Gauthier, qui depuis longtemps s’occupait du projet d’éprouver son épouse, quoiqu’il l’aimât chaque jour davantage à cause des vertus qu’il découvrait en elle, entra dans sa chambre, en affectant l’air d’un homme troublé, et lui tint ce discours : "Griselidis, tu n’as pas oublié sans doute quelle fut ta première condition avant d’être élevée à celle de mon épouse. Pour moi, j’en avais presque perdu le souvenir, et ma tendre amitié dont tu as reçu tant de preuves t’en assurait. Mais depuis quelque temps, depuis que tu as un enfant surtout, mes barons murmurent. Ils