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On sait que d’après une pieuse légende, le prince des apôtres en fuyant la ville de Rome, où les chrétiens étaient cruellement persécutés, rencontra, près de la porte dite plus tard de Saint-Sébastien, Notre-Seigneur lui-même, portant sa croix d’un air plein de tristesse. « Seigneur, où allez-vous, s’écria saint Pierre ? — Je vais, répondit Jésus-Christ, je vais à Rome pour y être crucifié de nouveau, pour y mourir à ta place, puisque le courage te manque. » Saint Pierre retourna à Rome. En rappelant cette légende un jour au cardinal de Bonnechose, Pie IX ajoutait : « Je fais comme saint Pierre ; car, si je quittais en ce moment la ville éternelle, il me semble que Notre-Seigneur m’adresserait le même reproche. »

On a prétendu que Pie IX n’était pas réellement prisonnier ; Jules Simon l’a affirmé à la chambre de Versailles. Pie IX n’était pas sous clef, il est vrai, mais on peut être prisonnier sans cela. Le Pape était dans l’impossibilité, non-seulement morale, mais matérielle de sortir du Vatican. Un simple fait le prouve. Un jour qu’il s’était montré à une fenêtre du Vatican, la foule qui stationnait devant le palais se mit à acclamer Pie IX. Les troupes de Victor-Emmanuel vinrent balayer la place et la police fit douze arrestations. Six dames, de la meilleure société romaine, étaient au nombre des prisonniers. Quatre jeunes gens furent condamnés, l’un à deux ans, et les autres à quelques mois de prison pour avoir crié : « Vive le Pape-Roi, » Peut-on imaginer le doux Pie IX exposant son peuple aux outrages de la police piémontaise ?

Pour atténuer l’odieux de ses spoliations, le gouvernement piémontais fit voter la fameuse loi dite des garanties, laquelle fut promulguée le 13 mars 1871. Par cette loi on déclarait la personne du Souverain-Pontife sacrée, on reconnaissait que des honneurs souverains lui étaient dus et on lui assurait une dotation de 3, 225, 000 francs par année.

Pie IX a qualifié cette loi « de loi d’hypocrisie et d’iniquité. » La première fois qu’on lui présenta l’allocation annuelle, il la repoussa en disant : « Certes, j’ai grand besoin d’argent. Mes enfants, par tout l’univers, se saignent en quelque sorte pour subvenir à mes besoins et à tant d’autres que vous créez chaque jour ; mais j’ai beau me dire qu’après tout, c’est une partie de mon bien volé que vous me rapportez, jamais je ne l’accepterai de vous qu’à titre de restauration, jamais je ne vous donnerai une signature qui semblerait impliquer mon acquiescement au vol. » Ai-je besoin de dire que Pie IX a tenu sa parole ?