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MÉLANGES


Sauf parmi les ecclésiastiques, l’éducation était alors (1663) presque inconnue au Canada. Mais si l’on peut excuser Laval d’avoir nommé des officiers incompétents, rien ne saurait l’excuser d’avoir permis à des hommes accusés d’une grave offense, d’être les plaignants et les juges dans leur propre cause ; la conduite qu’il a tenue en cette circonstance semble donner raison à Dumesnil qui affirme qu’il a formé le conseil comme il l’a fait dans l’unique but de protéger les accusés et d’étouffer l’accusation. (Old Regime, page 137.)

Il (Laval) se croyait au-dessus de toute loi humaine. En défendant les prétendus droits de l’Église, il empiétait sur les droits d’autrui et se servait de moyens qui auraient répugné à une conscience plus saine… Il était imbu de la casuistique empoisonnée des jésuites, laquelle est basée sur la prétention que tous les moyens sont bons lorsque le but que l’on se propose est de servir Dieu ; et comme Laval, dans sa propre opinion, servait certainement Dieu, tandis que ses adversaires faisaient toujours l’œuvre du démon, il jouissait, dans l’emploi des moyens, de la liberté que, nous l’avons déjà vu, il se donnait. (Old Regime, pages 167 et 168.)


Voilà comment ce « sympathique interprète de nos vœux et de nos aspirations » traite le premier et le plus grand des évêques canadiens. Et de combien d’autres noms illustres et chers à notre peuple n’a-t-il pas cherché à ternir l’éclat !

Mais on dira peut-être que Mgr de Laval, les missionnaires jésuites et les autres héros de la Nouvelle France étaient des hommes sujets aux faiblesses inhérentes au genre humain et qu’il y a un fond de vérité dans les remarques de M. Parkman, bien que le tableau qu’il nous présente soit certainement surchargé. Admettons, pour un instant, que cela soit le cas. Mais il y a plus. Il ne faut pas croire que M. Parkman se contente d’insulter à la mémoire des personnages les plus illustres de la colonie ; il veut noircir l’Église elle-même. Voici comment il s’exprime dans son ouvrage sur les missions des jésuites en Amérique, pages 83 et 84 :


Cette puissante Église de Rome, dans sa marche imposante à travers les siècles, annoncée comme infaillible et divine, étonne le monde qui la regarde par des contradictions prodigieuses. Tantôt la protectrice des opprimés, tan-