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trompe et trompe ses lecteurs. Avec le système de gouvernement dit responsable, les législatures ne sont pas libres de donner leur opinion, de rendre leur verdict, et de décider en dernier ressort. Ce ne sont pas les ministres qui sont responsables à la chambre, c’est la chambre qui est un simple instrument entre les mains des ministres.

Nous ne parlons pas des intrigues auxquelles les ministres ont souvent recours pour s’assurer une majorité, nous ne parlons pas des achats de consciences ; nous prenons une chambre composée d’hommes honorables, et nous disons que même cette chambre là n’est pas libre. Et voici pourquoi.

De nos jours on a poussé la « responsabilité ministérielle » tellement loin qu’elle est devenue nuisible, loin d’être un bienfait.

Le cabinet se présente devant la chambre avec un projet ministériel Qu’arrive-t-il ? Les députés qui appuient le cabinet sont forcés d’accepter ce projet, quelque défectueux, quelque extravagant qu’il soit. S’ils ne l’acceptent point, il y aura une crise gouvernementale, un changement de ministère, des élections générales, probablement. Obligés de choisir entre deux maux, les représentants choisissent ce qu’ils considèrent le moindre : ils votent le mauvais bill, ils ratifient le contrat défectueux.

Un système qui nous oblige à choisir sans cesse entre deux maux est mauvais et doit être condamné.

Nous voulons la responsabilité ministérielle véritable, mais il est temps de se débarrasser de la prétendue « responsabilité » au moyen de laquelle le cabinet tient la députation par la gorge. C’est un abus criant, il faut une réforme radicale.

Que le gouvernement ne soit tenu de se démettre que sur un vote direct de non confiance, et non sur le rejet d’un projet de loi ou d’un contrat.

Nous savons fort bien que ce que nous disons là ne plaira pas aux « constitutionnels » outrés, aux gens qui croient qu’il nous faut singer l’Angleterre en toutes choses. Nous n’écrivons pas pour eux, mais pour ceux