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OU RECUEIL D’ÉTUDES

armes aussi primitives, de transformer ses sillons en tranchées ses broussailles en embuscades, ses chaumières en forteresses, et prête à « combattre jusqu’à la mort, » au moindre signe de Papineau, « sous le drapeau de l’indépendance. »

Dans la situation du pays en 37 il n’y avait rien qui put remuer fortement les masses. Le peuple n’était pas écrasé de taxes, au contraire, les impôts à cette époque étaient presque nuls ; sa liberté religieuse n’était pas attaquée, ni menacée. Il y avait des abus graves dans l’administration, et les Canadiens-français étaient pratiquement exclus des emplois publics ; mais ces abus n’étaient pas assez criants et ne touchaient pas le peuple d’assez près pour soulever les masses.

Je reviens à Garneau. Voici ce qu’on lit à la page 316 du troisième volume de son histoire du Canada. Ce passage, je crois, achèvera de convaincre le public que M. Fréchette ignore complètement l’histoire de cette époque ou qu’il l’a faussée à dessein :


Le colonel Hertel, qui commandait un bataillon de milice de 1500 hommes dans le comté des Deux Montagnes, ce centre d’agitation, écrivait au gouvernement que ses soldats étaient pleins de loyauté et prêts à obéir à ses ordres au premier appel qui serait fait. Mais le grand nombre, ne voyant pas encore de véritables dangers, désirait laisser le gouvernement se tirer comme il le pourrait de ces difficultés, puisque c’était lui qui en était la cause première en voulant maintenir un ordre de chose plein d’injustices et de distinctions nationales. Lorsqu’ils apprirent, cependant, qu’il y avait eu résistance ouverte à Saint-Denis et à Saint-Charles, ils sortirent de leur neutralité pour appuyer le gouvernement ; et les Canadiens, à Québec, à Montréal, à Berthier, à la Rivière Ouelle, à Kamouraska, à Lotbinière, à Portneuf, à Champlain, aux Trois-Rivières, et dans presque tout les comtés du pays, lui présentèrent des adresses et se rallièrent à lui.


Voilà le pays qui, d’après M. Fréchette, était « en insurrection ; » voilà le peuple qui, d’après le même auteur, était prêt à « se ruer comme un torrent sur ses oppresseurs. »

Jamais on n’a plus audacieusement outragé la vérité historique.