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MÉLANGES

mière en forteresse. Il n’aurait qu’un mot à dire, et toute la population du pays, armée de haches, de fourches et de faux, viendrait se ranger ses côtés décidée à combattre jusqu’à la mort sous le drapeau de l’indépendance.


Un autre personnage, Rose Laurier, dit :


Mon pays est en insurrection.


Et du commencement jusqu’à la fin du drame on retrouve la même erreur historique. S’il fallait en croire M. Fréchette, le mouvement de 37 aurait été une conflagration générale, le mouvement, spontané et grandiose de tout un peuple, un événement comparable à l’insurrection des Polonais. Rien n’est plus éloigné de la vérité. Ici je laisse la parole à Garneau, que certes le Courrier de Montréal ne traitera pas de bureaucrate et d’anglomane.


«  Il (lord Gosford) pensait qu’il y avait beaucoup d’exagération dans les rapports des assemblées tenues par les partisans de M. Papineau ; que les affaires pourraient marcher si les deux conseils étaient libéralisés et que rien n’était plus erroné que de supposer que la masse des Canadiens-français était hostile à l’Angleterre. Malgré les troubles qui éclatèrent, cette appréciation était parfaitement juste. » (Garneau, Histoire du Canada, Vol. III, page 313.)


À la page suivante du même volume nous trouvons ce passage remarquable, qui fuit bien voir jusqu’à quel point les Canadiens étaient peu enthousiasmés de Papineau et de sa propagande révolutionnaire :


On faisait les plus grands efforts peur soulever partout le peuple ; mais on éveillait plutôt la curiosité de la foule que sa colère. Loin des villes, loin de la population anglaise et du gouvernement, le peuple vit tranquille, comme s’il était au milieu de la France et sent à peine les blessures du joug étranger. La peinture qu’on lui faisait des injustices et de la tyrannie du vainqueur excitait bien lentement les passions de son âme et ne laissait aucune impression durable. D’ailleurs, il n’avait pas une confiance entière dans tous les hommes qui s’adressaient à lui.


Voilà comment parle l’histoire de cette population que M. Fréchette nous représente comme brûlant du désir de s’armer de haches, de fourches et d’autres