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OU RECUEIL D’ÉTUDES

jours, où la licence, s’affublant du manteau de la liberté, s’est glissée dans tous les coins et recoins de la société, le théâtre est devenu un véritable fléau, pire encore que la presse.

Je suis convaincu qu’en France le théâtre a fait plus de mal que les journaux, lesquels y ont fait un mal incalculable.

Il manquait au Canada un théâtre national. C’était une lacune dont personne ne s’apercevait, mais qu’il fallait combler tout de même, parait-il. Il y a déjà quelque temps, les journaux de Montréal, embouchant la trompette de la réclame, ont annoncé au monde étonné que M. L. H. Fréchette venait de créer le théâtre canadien et que cette création était toute rayonnante de beauté morale et littéraire.

On s’extasiait surtout devant Papineau. La bonne vieille Minerve, malgré sa sagesse classique, était allée jusqu’à s’écrier, dans un accès de lyrisme :


Il y a dans ce drame de ces mots qui nous étreignent à la gorge et qui précipitent les battements du cœur.


Je tâcherai de faire preuve d’un peu plus de sang froid que mes confrères de Montréal en parlant du drame historique de M. Fréchette.

Notre histoire renferme des épisodes fort dramatiques, mais il faut savoir les choisir. M. Fréchette était-il bien l’homme qui pouvait faire un choix judicieux, et, une fois son sujet choisi, en tirer le meilleur parti possible. Je ne le crois pas.

M. Fréchette tourne bien un vers, tout le monde l’admet ; sa poésie a de l’harmonie, je le concède, quoique cette harmonie soit un peu monotone.

Mais entre un sonnet fait suivant les règles, un madrigal heureux, ou même une ode ronflante de patriotisme, et un bon drame, surtout un bon drame historique, il y a un abîme… que M. Fréchette n’a pas su franchir.

Amour de la vérité, sûreté de principes, sentiment des convenances, voilà les qualités que doit avoir le