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Ce vieux chien qui se dresse tout à coup au milieu de la tempête, sous le lit, fait un charmant tableau. Si le désordre était toujours un effet de l’art, ce passage devrait être classé parmi les chefs-d’œuvre de l’esprit humain, car il serait difficile, je crois, de trouver autant de confusion en aussi peu de lignes.

Je cite en entier le morceau suivant, où le poëte se peint lui-même.

J’ai rêvé bien souvent d’aller mourir à Nice,
Seul, au milieu d’un bois, dans un vieux châlet de Suisse,
Près d’un lac ; mais surtout j’ai souhaité d’avoir,
Un marquisat bien riche avec un beau manoir.
Ou plutôt un castel bâti sous Charlemagne,
J’aurais voulu vivre, autrefois, en Champagne.

(Si le poète voulait être franc, il avouerait qu’il ne sait pas du tout ce qu’il veut. Mais c’est un détail.)

Du temps de Louis quinze et de la Pompadour,
L’été dans mon domaine, et l’hiver dans la cour,
J’aurais servi mon roi, le peuple et la noblesse.
Aux soupers clandestins du baron de Gonesse,
Plus tard, Lebel m’aurait fait voir la Dubarry.
Partout, dans mon castel, au château de Marly,
Même au grand Trianon, aux pieds d’une marquise,
J’aurais relu Rousseau — La nouvelle Héloïse.

Je n’ai pas besoin de faire ressortir la profonde immoralité de ce dernier passage. Ceux qui connaissent l’histoire, ceux qui connaissent la Nouvelle Héloïse de Rousseau comprendront toute la dépravité des goûts de ce jeune homme.

Dans un autre endroit, M. Évanturel se vante de lire Alfred de Musset sous un if. Il a lu cet auteur dangereux, j’en suis convaincu, mais non sous un if, attendu qu’il n’y en a pas dans le pays. Le pauvre garçon admet qu’il rêve, la nuit, à Don Paez. Dans ce cas, ses rêves sont aussi mauvais que ses vers, car Don Paez, m’assure-t-on, est un véritable Don Juan