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OU RECUEIL D’ÉTUDES

ment de quelques hommes remplis de zèle et de patriotisme.

Si le gouvernement ne veut pas voir ce beau mouvement se ralentir bientôt, il doit se tenir sur ses gardes et avoir l’œil ouvert sur les spéculateurs, qui font un mal incalculable à la colonisation.

Par spéculateurs, nous entendons ces hommes qui, n’ayant que l’amour du gain dans le cœur, et nullement l’amour de leur pays, prennent des lots, non avec l’intention de les défricher, d’y demeurer ou d’y mettre des colons, mais pour les garder sans y toucher jusqu’au jour où les travaux des véritables colons en auront augmenté considérablement la valeur. C’est un abus très grave qui se glisse dans tout nouvel établissement, que nous avons constaté nous-même en plusieurs endroits, et qui met des entraves sérieuses à l’œuvre de la colonisation.

Le calcul des spéculateurs est très simple. Un canton vient d’être arpenté et ouvert à la colonisation. Vite, ces messieurs s’emparent des meilleurs lots. Des colons de bonne foi viennent prendre des lots à côté des lots des spéculateurs, ils font des travaux considérables, travaux durs et pénibles ; ils « mangent de la misère » comme on dit, pendant quatre ou cinq ans, et au bout de ce temps, ils ont donné beaucoup de valeur, non seulement à leurs propres lots, mais aussi aux lots de leurs voisins, les spéculateurs, qui n’ont pas fait abattre un seul arbre, qui n’ont absolument rien fait pour améliorer leurs terres. C’est ainsi que les spéculateurs exploitent les sueurs des colons de bonne foi. Un lot qu’ils ont payé $20 ou $30, ils le vendent, au bout de cinq ans, $200 ou $300, grâce au travail de colonisation pour l’avancement duquel ils n’ont pas contribué un seul sou.

Nous n’avons pas besoin d’insister sur l’injustice criante de cette indigne manière de spéculer ; elle est évidente pour tout homme de cœur.

Nous le savons, la loi défend cette spéculation, mais nous savons aussi qu’elle se pratique sur une vaste échelle dans un grand nombre de cantons nouveaux, probablement dans tous, plus ou moins.