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MÉLANGES

il pas vrai que chaque jour s’efface de plus en plus dans les esprits toute notion des droits de l’Église et des pères de famille en matière d’enseignement ?

Or, l’idée de l’État enseignant est une idée essentiellement diabolique.

Le diable est rusé, et il ne faut pas croire que, pour accomplir son œuvre, il se serve uniquement des méchants. Son suppôt favori c’est l’homme qui ne réfléchit pas, qui accepte bêtement, mais de bonne foi, les idées les plus dangereuses, qui les propage de son mieux et sans remords de conscience.

L’idée de l’État enseignant fait du chemin dans notre pays. On cherche à restreindre, peu à peu, les droits de l’Église, les droits des pères de famille, et à augmenter, dans la même proportion, les pouvoirs de l’État. Et pour justifier cette œuvre détestable on parle bien haut de progrès, d’avancement, d’éducation pratique. Pour tranquilliser sa conscience, on dit que chez nous, du moins, il n’y a pas de danger à mettre l’éducation de nos enfants entre les mains de l’État, car l’État est encore trop bon pour enseigner ce qui ne devrait pas être enseigné.

Quand le diable entend raisonner de la sorte, il doit bien rire. Il doit se dire : C’est parfait, mes amis, votre État est bon ; confiez-lui l’enseignement, je ne vous demande que cela, et je me charge du reste. Quand l’Église et le père de famille, les protecteurs naturels de l’âme des enfants, seront dépouillés de leurs droits au profit de l’État, je trouverai bien le moyen de m’emparer de votre bon État, et par là même de l’éducation de vos enfants. Ce que j’ai fait en Europe, je puis bien le faire en Amérique.

Ainsi doit parler le diable quand il entend nos braves Canadiens gloser sur l’État enseignant et les bienfaits d’une éducation pratique, c’est-à-dire, toute matérielle.

Et maintenant, veut-on savoir de quel instrument le diable se servira chez nous pour installer au Canada l’État enseignant, et pour s’en emparer ensuite ? La réponse est facile : Il se servira du même instrument dont il s’est servi en France, en Belgique et ailleurs où