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MÉLANGES

Aujourd’hui, ces mêmes journalistes, ou leurs héritiers et ayant cause, voyant qu’ils ont fait tort, non à l’Église, car elle peut résister à de bien plus graves abus, mais à leurs propres affaires, se jettent tout à coup à l’excès opposé, et tiennent un langage qui cadre assez mal avec leur conduite passée, mais qui n’en est pas moins un langage qui sonne faux. Ils vont d’un extrême à l’autre. Après avoir insinué pendant des années que l’Église cesserait d’exister si le parti bleu venait à disparaître, les voilà maintenant qui parlent absolument comme parlaient naguère les libéraux. C’est au point que la Minerve vient de publier un article que la Patrie reproduit avec complaisance.

Voici quelques extraits de l’écrit de la Minerve qui feront mieux saisir la nouvelle doctrine que prêche la vieille déesse :

« Et il en est des hommes politiques comme des simples fidèles ; ils ont à s’occuper généralement d’intérêts matériels, et par exception seulement d’intérêts spirituels. Des actes de religion, dans la vie ordinaire des parlements et des gouvernements, surtout, dans un pays comme le nôtre, sont aussi rares que dans la vie des laïques, où tout en étant les plus importants, ils ne prennent cependant qu’un temps très restreint de la journée, dont les affaires et le travail absorbent la plus grande partie.

« Dans notre pays, Dieu merci, le gouvernement et l’Église entendent assez bien leur devoir, chacun de leur côté, sous ce rapport, quoi qu’en disent ceux qui voudraient confondre les rôles et introduire l’élément laïque dans le sanctuaire et dans la chaire. L’Église veille et travaille dans sa sphère, pendant que l’État travaille dans la sienne ; et si jamais celui-ci venait à mériter quelque reproche, celui d’être trop matérialiste, par exemple, le reproche devra venir d’autre part que des prélats laïques qui voudraient transformer nos Chambres en consistoires.

« Ce qui fait notre tort, ce n’est pas le manque d’hommes qui s’occupent de religion, mais au contraire le trop grand nombre de ceux qui s’en mêlent sans avoir titre pour cela.

« N’est-il pas souverainement ridicule de vouloir faire un crime au gouvernement local de ce qu’il travaille à vouloir développer les ressources de la province, à l’enrichir — comme si la religion condamnait la richesse en elle-même — et de le dénoncer parce qu’il s’occupe avec ardeur de chemins de fer, de mines, d’agriculture, d’industrie, d’exploitations de toutes sortes. Et à quoi donc veut-on qu’il s’occupe si ce n’est il cela ? »