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Quand enfin celle-ci aura pu s’en débarrasser, après quelques tâtonnements incertains, l’antique doctrine de Leucippe apparaîtra comme le seul port de salut; le trait de génie d’ Anaxagore restera oublié, et ses idées seront condamnées à attendre dans l’oubli qu’on tente de les soumettre à leur tour à l’épreuve de nos théories.


DOXOGRAPHIE D’ANAXAGORE

1. Théophr., fr. 4 (Simplic. in physic, 6 b). — De ceux qui admettent des principes en nombre infini, les uns les supposent simples et homogènes, les autres, composés, hétérogènes, con- traires et caractérisés par ce qui y prédomine. Anaxagore, fils d’Hégésiboule, de Clazomène, après avoir suivi la philosophie d’Anaximène, fut le premier à réformer les opinions touchant les principes et à les compléter par la cause qui faisait défaut. D’un côté, il multiplia à l’infini les principes corporels; en effet, tous les homéomères, comme Veau, le feu ou l’or, seraient inengen- drés et impérissables ; ils paraîtraient naître et se détruire par suite de simples compositions et décompositions, tous étant dans tous, et chacun étant caractérisé par ce qui y prédomine ; ainsi ce qui paraît comme or contiendrait de Vor en plus grande quantité, mais tous les autres principes y coexisteraient également. Anaxagore dit en effet : « Dans tout il y a une part de tout » et « chaque chose est, pour V apparence, ce dont elle contient le plus. » Théophraste dit qu’en cela Anaxagore se rapproche d’Anaximandre; il dit en effet que, dans la décomposition de l’« infini », les similaires se réunissent, que la formation de l’or ou de la terre fut possible, parce qu’il y avait dans l’univers de l’or et de la terre; de même, pour chacune des autres choses, il n’y aurait pas eu naissance, mais préexistence dans le tout. D’autre part, Anaxagore, comme cause du mouvement et de la genèse, posa l’intelligence, grâce à laquelle la séparation engendra les mondes et la nature des divers êtres. A le prendre ainsi, dit Théophraste, il semblerait admettre les principes matériels en nombre infini, comme on l’a dit, mais pour le mouvement et la genèse, une cause unique. Si donc on considère le mélange de toutes choses comme une seule nature indéterminée de forme et