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pour l’histoire de la science hellène.

relative aux conditions subjectives de notre intellect. Leurs différences les constituent en un nombre plus ou moins grand de matières complètement irréductibles entre elles, ou bien, pour donner la raison de ces différences, il faut oser rétablir les principes subjectifs d’Aristote, l’εἶδος et la στέρησις, après quoi on se trouvera tout juste aussi avancé qu’auparavant.

De même que les différentes sortes d’atomes, les divers corps simples auxquels la chimie moderne ramène les éléments de la composition des substances naturelles, sont irréductibles entre eux et, comme on le sait, le nombre en augmente tous les jours. Les faits de l’expérience à notre portée semblent donc démentir formellement l’unité présupposée.

Cependant le besoin de cette unité, aussi sensible pour le savant que pour le philosophe, a provoqué une vive réaction contre la croyance à la simplicité réelle des atomes chimiques. On s’est dit que l’impossibilité où nous nous trouvions de les décomposer ne suffisait nullement à établir cette simplicité ; plus les découvertes nouvelles les multipliaient, plus il était relativement facile, par la comparaison de leurs propriétés, de trouver de graves indices tendant à les faire considérer comme composés. Bref, c’est aujourd’hui l’opinion dominante que de regarder les atomes chimiques comme des systèmes constitués, à divers degrés de complexité, par des individus appartenant à un type unique, et que d’identifier ce type avec celui des particules ultimes d’un fluide hypothétique, l’éther, au sein duquel on suppose plongés tous les corps de la nature.

Cette hypothèse n’est relativement pas très ancienne, et, soit sous cette forme même, soit sous quelque autre analogue, elle semble appelée à parcourir encore une longue et brillante carrière, en conduisant à des découvertes qui seront pour elle de nouveaux soutiens. Je n’ai nullement dès lors l’intention de la combattre, mais je voudrais faire ressortir que non seulement, à l’heure actuelle, la vérité est loin d’en être démontrée, mais encore qu’elle sera toujours indémontrable, quelles que soient les vérifications que puisse lui apporter l’expérience.

Pour s’en rendre pleinement compte, il suffit de cette simple réflexion, que cet éther, auquel il s’agit d’identifier les dernières particules de la matière, est et sera toujours une pure hypothèse ; l’identité rêvée ne peut donc avoir un autre caractère.

Qu’actuellement l’existence de l’éther ne soit rien moins que