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que continuelle des eaux qui la fatiguèrent beaucoup et dont elle est parfaitement guérie aujourd’huy grâces au Seigneur. Et cet enfant est mort d’une bile répandue, étant jaune comme du safran, n’ayant jamais voulu teter, ce qui obligeoit la nourrice à luy faire avaler de son lait avec un cuiller[1].

Le 24 janvier 1766, six heures du matin, ma femme a accouché d’un cinquième fils, qui étoit mort[2], mais, grâces au Seigneur, ses couches ont été assez heureuses, quoique l’enfant fut presque pourri dans son corps. Il y avoit déjà quelques jours qu’elle ne le sentoit point remuer ; elle attribuoit son inaction aux grands froids que nous éprouvons depuis le 9 décembre dernier et qui ont augmenté de jour en jour jusques à aujourd’hui. La rivière est prise depuis le 12 de ce mois ; les voitures la traversent à Eguillon[3] », la Réole, Langon, etc., et depuis ce temps là les batteaux n’ont pas navigué ; il y a eu beaucoup d’arbres de toute espèce qui se sont fendus. On ne sçait pas encore si les vignes et les bleds se sont gelez. Ce sont les plus forts froids qu’il y ait eu par icy depuis 1709. Et ils sont beaucoup

  1. Si l’on s’en rapportait au Dictionnaire de Littré, J.-B. de Fontainemarie, en disant un cuiller, comme le disent encore beaucoup de méridionaux, se serait exprimé comme le plus illustre de tous, Henri IV qu’il faut surnommer à la fois Henri le bon et Henri le Grand. Voici en effet le récit du savant philologue : « Henri IV ayant dit à Malherbe qu’il fallait prononcer cuiller, et le faire faire masculin, Malherbe répondit que, tout puissant qu’était le roi, il ne ferait pas qu’on dit ainsi en deça de la Loire. » Mais en examinant le texte de Tallemant des Réaux, Historiette de Malherbe, ( tome 7 de l’édition P. Paris, p. 278). on voit « qu’il y eut grande contestation entre ceux du pays d’A-diou-sias et ceux de delà la rivière de Loire pour sçavoir s’il falloit dire une cueiller ou une cueillère. « Ainsi la querelle roulait non sur le sexe du mot, mais sur la façon d’en écrire la dernière syllabe. Loin de voir dans cuiller un mot masculin, Henri IV soutenait l’opinion contraire, d’après cette assertion formelle de Tallemant : « Le Roy et M. de Bellegarde, tous deux du pays d’A-Diou-sias, disoient que ce mot estant féminin, devoit avoir une terminaison féminine. »
  2. Le narrateur ajoute en une note marginale : « L’enfant avoit huit mois. Nous avons été bien mortifiez de cet accident, sans pouvoir en deviner la vraye cause. Le médecin Héraud nous a dit que l’abondance du sang l’avoit étouffé. »
  3. J.-B. de Fontainemarie écrivait Eguillon pour Aiguillon, comme au XVIe siècle, Ambroise Paré et Olivier de Serres écrivaient esguille pour aiguille ?