Page:Tamizey de Larroque - Lettres toulousaines.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pagnent d’ordinaire les soins d’une famille quelque petite qu’elle soit, et la bassesse d’une fortune qui suffit à peine pour le nécessaire[1], n’abbatoient entièrement mon courage. Je ne laisseray pas pourtant de reprendre le travail que j’ay abandonné, quand ce ne seroit que pour tesmoigner l’estime que je fais de voz conseils et l’obéissance qu’à l’advenir je désire rendre à vos commandements. J’ay receu le livre de M. Menage avec des sentimens d’honneur et de recognoissance que je ne sçaurois exprimer. Tout y est si docte et si judicieux que j’accuse volontiers de témérité le dessein que j’avois fait d’escrire sur la mesme matière[2]. Cependant, Monsieur, faittes moy la grace d’accepter les services que je vous ay desja voués, et que ma plume n’osoit entreprendre de vous offrir, bien que vos lettres, que Monseigneur l’Archevesque m’a fait souvant l’honneur de me monstrer[3], m’en donnassent la hardiesse. S’il y a de ma faute elle doit estre imputée au profond respect que j’ay toujours eu pour les personnes de vostre condition et de vostre mérite. Quoy qu’il en soit, ne laissés pas, s’il vous plait, de croire que je suis et seray toute ma vie,

Monsieur,

+++Monsieur, Vostre très-humble et très-obéissant serviteur,

CASENEUVE.
A Tolose, ce 18 novembre 1650.

J’ay rendeu à son addresse la lettre qu’il vous pleut m’envoyer.


II[4]


Monsieur,

Ce n’est pas sans sujet que vous me faittes l’honneur de mesler vos larmes avec les miennes. Vous avez perdu en feu Monseigneur

  1. Cette pauvreté relative donne encore plus de prix au généreux refus de la pension considérable que les États du Languedoc offrirent à Caseneuve pour préparer l’histoire de leur province, monument que Dom Vaissète devait, un siècle plus tard, si admirablement construire. D’après Medon, le fier érudit déclara que le plaisir de travailler pour la patrie lui tiendrait lieu de récompense.
  2. Le Dictionnaire de Ménage parut en 1650. La présente lettre fut écrite le même jour que la lettre à Ménage citée par Simon de Valhebert.
  3. Charles de Montchal, archevêque de Toulouse de1628 à 1651. Mgr de Montchal fut non-seulement le protecteur, mais aussi l’ami de Pierre de Caseneuve. Ce fut aux pressantes instances de ce prélat que le public fut redevable du savant traité intitulé : Instruction pour le franc alleu de la province de Languedoc (Toulouse, 1641. In-4°). La seconde édition parut en 1645, in-f°, sous ce titre : Le franc-alleu de la province de Languedoc établi et défendu, etc.
  4. Ibidem, p. 245