Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
LE RÉGIME MODERNE


Attendre que la poire soit mûre, mais ne pas souffrir que, dans l’intervalle, un autre la cueille, tel est le motif vrai de sa fidélité politique et de ses proclamations jacobines : « Un parti lève la tête en faveur des Bourbons ; je ne veux pas contribuer à son triomphe. Je veux bien un jour affaiblir le parti républicain, mais je veux que ce soit à mon profit, et non pas à celui de l’ancienne dynastie. En attendant, il faut marcher avec les républicains », avec les pires, avec les scélérats qui vont purger les Cinq-Cents, les Anciens et le Directoire lui-même, puis rétablir en France le régime de la Terreur. — Effectivement, il coopère au 18 Fructidor, et, le coup fait, il explique très clairement pourquoi il y a pris part : « N’allez pas croire[1] que ce soit par conformité d’idées avec ceux que j’ai appuyés. Je ne voulais pas du retour des Bourbons, surtout ramenés par l’armée de Moreau et par Pichegru… Définitivement, je ne veux pas du rôle de Monk ; je ne veux pas le jouer et je ne veux pas que d’autres le jouent… Quant à moi, mon cher Miot, je vous le déclare, je ne puis plus obéir ; j’ai goûté du commandement et je ne saurais y renoncer. Mon parti est pris ; si je ne puis être le maître, je quitterai la France. » — Point de milieu pour lui entre ces deux alternatives. De retour à Paris, il songe « à renverser le Directoire[2], à dissoudre les

  1. Miot de Melito, I, 184 (Conversation avec Bonaparte, le 18 novembre 1797, à Turin) : « Je restai pendant une heure tête à tête avec le général. Je vais retracer exactement, d’après les notes que j’ai prises dans le temps, notre conversation. »
  2. Mathieu Dumas. Mémoires, III, 156 : « Il est certain qu’il en