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LE RÉGIME MODERNE


Castruccio-Castracani, aux Braccio de Mantoue, aux Piccinino, aux Malatesta de Rimini, aux Sforza de Milan ; mais ce n’est là, dans leur pensée, qu’une analogie fortuite, une ressemblance psychologique. Or, en fait et historiquement, c’est une parenté positive ; il descend des grands italiens, hommes d’action de l’an 1400, des aventuriers militaires, usurpateurs et fondateurs d’États viagers ; il a hérité, par filiation directe, de leur sang et de leur structure innée, mentale et morale[1]. Un bour-

  1. Notez, chez les divers membres de la famille, des traits divers de la même structure mentale et morale. — Mémorial (Paroles de Napoléon sur ses frères et ses sœurs) : « Quelle famille aussi nombreuse pourrait présenter un si bel ensemble ? » — Souvenirs inédits par le chancelier Pasquier, quatorze volumes manuscrits, t. II, 543. (L’auteur, jeune magistrat sous Louis XVI, haut fonctionnaire sous l’Empire, grand personnage politique sous la Restauration et sous la monarchie de Juillet, est probablement le témoin le mieux informé et le plus judicieux pour la première moitié de notre siècle) : « Leurs vices et leurs vertus sortent des proportions ordinaires et ont une physionomie qui leur est propre. Mais, ce qui les distingue surtout, c’est l’obstination dans la volonté, c’est l’inflexibilité dans les résolutions… Ils avaient tous l’instinct de leur grandeur. » Ils ont accepté sans difficulté « les positions les plus élevées, ils ont même fini par s’y croire inévitablement élevés… Rien n’étonnait Joseph dans son incroyable fortune ; je l’ai entendu, au mois de janvier 1814, reproduire plusieurs fois devant moi cette incroyable assertion que, si son frère avait bien voulu ne pas se mêler de ses affaires après la seconde entrée à Madrid, il serait encore sur le trône des Espagnes. » Quant à l’opiniâtreté dans le parti pris, il suffit de rappeler la démission de Louis, la retraite de Lucien, les résistances de Fesch : eux seuls étaient capables de ne pas toujours plier sous Napoléon et parfois de lui rompre en visière. — Les passions, la sensualité, l’habitude de se mettre au-dessus de la règle, la confiance en soi, jointe au talent, surabondent jusque dans les femmes, comme au XVe siècle. — Élisa, en Toscane, fut « une tête mâle, une âme forte, une vraie souveraine », malgré les désordres de sa conduite privée, « où les apparences