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LE RÉGIME MODERNE


escient, après avoir examiné et adopté le statut. Cela aussi est une obligation de son office : son mandat l’empêche de mettre la puissance publique au service d’une entreprise de spoliation ou d’oppression ; il lui est interdit d’autoriser un contrat de prostitution ou d’esclavage, à plus forte raison une société de brigandage ou d’insurrection, une ligue armée ou prête à s’armer contre la communauté, contre une portion de la communauté, contre lui-même. Mais, entre cette intervention légitime par laquelle il maintient des droits et l’ingérence abusive par laquelle il usurpe des droits, la limite est visible, et il franchit cette limite lorsque, à son emploi de justicier ajoutant un second office, il régit ou il défraye un autre corps[1]. En ce cas, deux séries d’abus se déroulent : d’une part, l’État fait le contraire de son premier office ; d’autre part, il s’acquitte mal de son emploi surajouté.

III

Car d’abord, pour régir un autre corps, par exemple l’Église, tantôt il nomme les chefs ecclésiastiques, comme sous l’ancienne monarchie, après l’abolition de la Pragmatique Sanction par le concordat de 1516 ; tantôt, comme l’Assemblée nationale en 1791, sans nom-

  1. Cf. la Révolution, tome VII, livre II, ch. II. On y traite des empiétements de l’État et de leurs conséquences pour l’individu. Il s’agit ici de leurs conséquences pour les corps. — Lire, sur le même sujet, Gladstone on Church and State, par Macaulay, et The Man versus the State, par Herbert Spencer, deux essais où la rigueur du raisonnement et l’abondance des illustrations sont admirables.