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LE RÉGIME MODERNE


pensables, à savoir une diplomatie, une armée, une flotte et des arsenaux, des tribunaux civils et criminels, des prisons, une gendarmerie et une police, des impôts et des percepteurs, une hiérarchie d’agents et de surveillants locaux, qui, chacun à sa place et dans son emploi, concourent tous à produire l’effet requis. — Évidemment encore, pour appliquer ces outils, il lui faut, selon les cas, telle ou telle constitution ; tel ou tel degré de ressort et d’énergie : selon l’espèce et la gravité du péril extérieur ou intérieur, il convient qu’elle soit divisée ou concentrée, pourvue ou affranchie de contrôle, libérale ou autoritaire. Contre son mécanisme, quel qu’il soit, il n’y a pas lieu de s’indigner d’avance. À proprement parler, elle est un grand engin dans la communauté humaine, comme telle machine industrielle dans une usine, comme tel appareil organique dans le corps vivant. Si l’œuvre ne peut être faite que par l’engin, acceptons l’engin et sa structure : qui veut la fin veut les moyens. Tout ce que nous pouvons demander, c’est que les moyens soient adaptés à la fin, en d’autres termes, que les myriades de pièces, grandes ou petites, locales ou centrales, soient déterminées, ajustées et coordonnées en vue de l’effet final et total auquel elles coopèrent de près ou de loin.

Mais, simple ou composé, tout engin qui travaille est assujetti à une condition : plus il devient propre à une besogne distincte, plus il devient impropre aux autres ; à mesure que sa perfection croît, son emploi se restreint. — Partant, si l’on a deux instruments distincts, appli-