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LE RÉGIME MODERNE


damnés nominativement ; de plus, 170 millions d’amende ont été imposés à leurs familles. En 1811 et 1812, des colonnes volantes, qui traquent les fugitifs, en ramassent 60 000, que l’on pousse par troupeaux, de l’Adour au Niémen, le long de la côte ; arrivés à la frontière, on les verse dans la grande armée ; mais, dès le premier

    d’amende, 1 675 457 francs d’amende ont été infligés à 2335 individus, « fauteurs ou complices ». — Ib., AF, IV, 4051 (Rapport de général Lacoste sur le département de la Haute-Loire, 13 octobre 1808) : « On calcule presque toujours dans ce département sur la désertion de la moitié des conscrits… Dans la plupart des cantons, les gendarmes font un trafic honteux de la conscription ; ils tirent jusqu’à des pensions de certains conscrits pour les favoriser. » — Ib., AF, IV, 1052 (Rapport de Pelet, 12 janvier 1812) : « Les opérations de la conscription se sont améliorées (dans l’Hérault) ; les contingents de 1811 ont été fournis. Il restait 1800 réfractaires ou déserteurs des classes antérieures ; la colonne mobile en a arrêté ou fait rendre 1600 ; 200 sont encore à poursuivre. » — Faber, Notice (1807) sur l’intérieur de la France, 141. « Sur les frontières particulièrement, la désertion est quelquefois effrayante : sur 100 conscrits, on a compté parfois 80 déserteurs. » — Ib., 149 : « Il a été annoncé dans les feuilles publiques qu’en 1801 le tribunal de première instance séant à Lille avait condamné, pour la conscription de l’année, 135 réfractaires, et que celui qui siège à Gand en avait condamné 70. Or 200 conscrits forment le maximum de ce qu’un arrondissement de département saurait fournir. » — Ib., 145 : « La France ressemble à une grande maison de détention où l’un surveille l’autre, où l’un évite l’autre… Souvent on voit un jeune homme qui a un gendarme à ses trousses ; souvent, quand on y regarde de près, ce jeune homme a les mains liées, et quelquefois il porte des menottes. » — Mathieu Dumas, III, 507 (Après la bataille de Dresde, dans les hôpitaux de Dresde) : « J’observai, avec un vif déplaisir, plusieurs de ces hommes légèrement blessés ; la plupart, jeunes conscrits nouvellement arrivés à l’armée, n’avaient pas été blessés par le feu ennemi, mais ils s’étaient mutuellement mutilés aux pieds et aux mains. De tels antécédents et d’aussi mauvais augure avaient déjà été observés dans la campagne de 1809. »