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LA RÉVOLUTION


force de la nation[1], et l’on sait par quels motifs, pour quel objet. Je ne crois pas qu’une nation civilisée ait jamais été sacrifiée de la sorte à une telle besogne, et par de tels gouvernants : un restant éclopé de faction et de secte, quelques centaines de prédicants qui ne croient plus à leurs dogmes, des usurpateurs aussi méprisés que détestés, des parvenus de rencontre, portés en haut, non par leur capacité et leur mérite, mais par le roulis aveugle d’une révolution, ayant sur-

    de 191 343. Or ces huit départements (Arthur Young, Voyages en France, II, 317) avaient, en 1790, une population de 2 446 000 âmes ; la proportion indique que, sur 26 millions de Français, un peu plus de 2 millions ont passé sous les drapeaux. — D’autre part, cinq départements (Doubs, Eure, Meurthe, Aisne, Moselle) donnent, non seulement le chiffre de leurs militaires, 131 322, mais aussi celui de leurs morts, 56 976, c’est-à-dire, sur 1000 hommes fournis à l’armée, 435 morts. La proportion indique, pour les 2 millions de militaires, 870 000 morts.

  1. Les statistiques des préfets et les procès-verbaux des conseils généraux de l’an IX sont unanimes pour constater la diminution notable de la population adulte et masculine. — Déjà en 1796 lord Malmesbury faisait la même remarque (Diaries, 21 octobre et 23 octobre 1796, de Calais à Paris) : « Des enfants et des femmes travaillent aux champs. Diminution visible du nombre des hommes. Plusieurs charrues poussées par des femmes, et le plus grand nombre par des vieillards ou de jeunes garçons. Il est évident que la population mâle a diminué ; car le nombre des femmes que nous avons vues sur notre route surpassait celui des hommes dans la proportion de 4 à 1. » — Là où les vides de la population totale sont comblés, c’est par l’accroissement de la population enfantine et féminine. Presque tous les préfets et conseils généraux déclarent que les mariages précoces ont été multipliés à l’excès par la conscription. — De même, Dufort de Cheverny (Mémoires, 1er  septembre 1800) : « La conscription ayant épargné les gens mariés, tous les jeunes gens se sont mariés dès seize ans. La quantité des enfants dans les communes est double et triple de ce qu’elle était autrefois. »