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LA RÉVOLUTION


« municipaux égorgés, des propriétaires rançonnés, des terres dévastées, des diligences arrêtées ». Or, en tous ces cas, dans tous ces départements, cantons ou communes, trois classes de personnes, d’abord les parents et alliés des émigrés, ensuite les ci-devant nobles et anoblis, enfin les « pères, mères, aïeux et aïeules des individus qui, sans être ex-nobles ou parents d’émigrés », font néanmoins partie des bandes ou rassemblements, sont déclarés « personnellement et civilement responsables » des violences commises. Même quand ces violences ne sont « qu’imminentes », l’administration départementale dressera, dans son ressort, la liste de tous les hommes et femmes responsables ; elle les prendra pour « otages » ; ils seront détenus à leurs frais dans un local commun, et, s’ils s’évadent, assimilés aux émigrés, c’est-à-dire punis de mort ; si quelque dégât est commis, ils en payeront le montant ; si quelque meurtre ou enlèvement est commis, quatre d’entre eux seront déportés. Notez de plus que les autorités locales sont tenues, sous des peines graves, d’exécuter la loi et à l’instant, qu’à cette date elles sont ultrajacobines, que, pour inscrire sur la liste des otages, je ne dis pas un noble ou un bourgeois, mais un artisan respectable, un paysan honnête, il suffit aux souverains locaux de désigner son fils ou petit-fils, absent, fugitif ou mort, comme « notoirement » insurgé ou réfractaire, et qu’ainsi la fortune, la liberté, la vie de tout particulier aisé est légalement livrée à l’arbitraire, à l’envie, à l’hostilité des niveleurs en place. —