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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


« sion n’est pas une affaire. » — Ainsi purgés, les deux Conseils achèvent de se purger eux-mêmes ; ils annulent, dans quarante-neuf départements, l’élection de leurs collègues ; par ce décret, par la déportation, par les démissions forcées ou volontaires, deux cent quatorze représentants sont retranchés du Corps législatif, et cent quatre-vingts autres, par peur ou dégoût, cessent d’assister aux séances[1]. Des deux Conseils, comme du Parlement anglais sous Cromwell, il ne reste qu’un « croupion » et ce croupion opère sous les épées nues. Au Conseil des Anciens, qui, le 18 Fructidor à minuit[2], délibère sur le décret de déportation, « des groupes de grenadiers, à l’air hagard, à la parole brusque, au geste menaçant », la baïonnette au bout du fusil, entourent l’amphithéâtre, et, mêlés aux soldats, des coupe-jarrets civils poussent leurs vociférations de commande. Voilà de quoi soutenir le roman calomnieux fabriqué par le Directoire ; les votants ont besoin de ces arguments pour croire à la grande conspiration qu’il dénonce, pour adjoindre Barthélemy, Carnot, Siméon, Barbé-Marbois, Boissy d’Anglas, Mathieu Dumas, Pastoret, Tronson du Coudray, comme complices, à une poignée d’intrigants subalternes, ridicules « marmousets », écervelés ou mouchards, dont la police a les papiers depuis six mois et qu’elle fait parler sous les verrous[3]. On les enveloppe tous ensemble dans le même

  1. Mallet du Pan, II, 343.
  2. Barbé-Marbois, ib., 46.
  3. Mallet du Pan, II, 228. 342 : « On savait depuis deux mois l’usage que les triumvirs préméditaient de faire du portefeuille