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LA RÉVOLUTION


Des femmes, place Maubert, passent six heures à la queue sans en obtenir un quarteron ; dans plusieurs étaux, elle manque tout à fait. Il n’y en a pas « une once », pas même de quoi faire du bouillon pour les malades ; les ouvriers n’en trouvent point dans leurs gargotes et se passent de soupe ; ils vivent « de pain et de harengs saurs ». Quantité de gens se lamentent « de n’avoir pas mangé de viande depuis quinze jours » ; des femmes disent « qu’elles n’ont pas mis le pot-au-feu depuis un mois ». — Cependant « les légumes sont d’un rare étonnant et d’un prix excessif » : … « deux sous, une malheureuse carotte, et autant deux petits poireaux » ; sur 2000 femmes qui attendent à la Halle une distribution de haricots, on ne peut en donner qu’à 600 ; les pommes de terre montent en une semaine de 2 à 3 francs le boisseau ; la farine de gruau ou de pois triple de prix. « Les épiciers n’ont plus de cassonade, même pour les malades », et ne délivrent la chandelle et le savon que par demi-livre. — Quinze jours après, en certains quartiers, la chandelle manque tout à fait, sauf dans le magasin de la section, qui est presque vide et n’en accorde qu’une par personne ; nombre de ménages se couchent avec le soleil, faute de lumière, ou ne peuvent cuire leur dîner, faute de charbon. — Les œufs surtout sont « vénérés comme des divinités invisibles », et, du beurre

    Schmidt, Tableaux de Paris, II, 187, 190. — Archives nationales, F7, 31167 (Rapport de Leharivel, 7 nivôse). — (Les ouvriers armuriers, à la solde de l’État, disent aussi que depuis longtemps ils ne vivent plus que de pain et de fromage.)