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LA RÉVOLUTION

Mais cela ne suffit point ; car, pour que chaque Français obtienne chaque jour son morceau de pain, il faut encore que les grains arrivent aux Halles en quantité suffisante, et que, tous les jours, les boulangers aient assez de farine pour cuire assez de pain ; il faut de plus que le pain exposé en vente dans les boulangeries n’excède pas le prix que la majorité des consommateurs peut y mettre. Or, en fait, par une conséquence forcée du régime nouveau, aucune de ces deux conditions n’est remplie. — D’abord le blé, et par suite le pain, sont trop chers. Même à l’ancien taux ils seraient encore trop chers pour les innombrables bourses vidées ou demi-vides après tant de coups portés à la propriété, à l’industrie et au commerce, maintenant que tant d’ouvriers et d’employés chôment, que tant de propriétaires et de bourgeois ne touchent plus leurs rentes, que les revenus, les bénéfices, les appointements et les salaires ont tari par centaines de millions. Mais le blé, et par suite le pain, ne sont pas restés à l’ancien taux. Au lieu de 50 francs, le sac de blé vaut à Paris, en février 1793, 65 francs ; en mai 1793, 100 francs, puis 150 ; partant, dès les premiers mois de 1793, à Paris, le pain, au lieu de 3 sous la livre, coûte 6 sous, en plusieurs départements du Midi 7 à 8 sous, et bientôt, en beaucoup d’endroits, 10 et 12 sous[1]. C’est que, depuis le 10 août 1791,

  1. Schmidt, Ib., I, 110, et pages suivantes. — Buchez et Roux, XX, 416 (Discours de Lequinio, 27 novembre 1792). — Moniteur, XVII, 2 (Lettre de Clermont, Puy-de-Dôme, du 15 juin 1793) : « Depuis quinze jours, le pain vaut de seize à dix-huit sous la livre. Nos montagnes sont dans la misère la plus