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LA RÉVOLUTION


voyous crapuleux et sanguinaires qui arrivent de Paris, et que leur général, Ronsin, appelle lui-même « des coquins, des brigands », alléguant pour excuse « qu’on ne peut pas trouver d’honnêtes gens pour faire ce métier ». Comment ils traitent leur hôte, sa femme et ses filles, on le devine ; les contemporains glissent là-dessus, et par pudeur ou dégoût, évitent les détails. Quelques-uns usent simplement de la force brutale ; d’autres se débarrassent, par la guillotine, du mari incommode ; les plus réservés amènent avec eux leurs drôlesses ; il faut que la demoiselle de la maison, réveillée en sursaut, vienne, à une heure du matin, allumer le feu de l’officier, qui rentre en belle compagnie. — Pourtant il en est de pires, car les pires s’attirent entre eux. On a vu ce qu’étaient à Nantes le comité révolutionnaire et le représentant en mission ; nulle part le sabbat révolutionnaire n’a ronflé plus furieusement et trépigné si fort sur les vies humaines. Avec des chefs d’orchestre comme Carrier et comme ses suppôts du comité, on peut être sûr que les exécutants sont des hommes de choix.

Pour plus de sûreté, quelques membres du comité de Nantes vaquent eux-mêmes à l’exécution et collaborent de leurs mains aux massacres. — L’un d’eux, Goullin, créole de Saint-Domingue[1], sensuel et nerveux, accou-

  1. Cf. passim Alfred Lallié, le Sans-Culotte Goullin. — Wallon, Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris, V, 368 (Déposition de Lacaille). — Au reste, des monstres non moins extraordinaires se rencontrent aussi dans les autres administrations de Nantes, par exemple Jean d’Héron, tailleur, devenu inspec-