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LA RÉVOLUTION


Aussi bien sont-ils trop heureux d’en être quittes à si bon compte. Le 9 brumaire, vers sept heures du soir, à Tigery, près de Corbeil, vingt-cinq hommes, « avec sabres et pistolets à la ceinture, la plupart en habits de gardes nationaux et se disant de l’armée révolutionnaire », entrent chez Gilbon, vieux laboureur de soixante et onze ans ; cinquante autres, pour que l’expédition ne soit pas dérangée, gardent les issues de la maison. Leur chef, Turlot, aide de camp du général Henriot, demande où est le maître. — « Dans son lit. — Qu’on l’éveille. » — Le vieillard se lève. — « Livre tes armes. » — La femme remet un fusil de chasse, seule arme de la maison. À l’instant, la bande se jette sur le pauvre homme, « le frappe, lui lie les mains, lui met la tête dans un sac » ; même opération sur sa femme, sur les huit domestiques et sur les deux servantes. — « Maintenant, les clefs des armoires ; nous voulons vérifier si tu n’as point de fleurs de lis ou quelques autres objets en contravention avec la loi. » On fouille dans ses poches, on lui arrache les clefs ; pour aller plus vite, on enfonce les armoires, on saisit et on enlève toute l’argenterie, « 26 couverts, une écuelle, 3 cuillers à potage et à ragoût, 3 gobelets, 2 tabatières, 40 jetons, 2 montres, une autre montre d’or, une croix d’or. » — « Nous dresserons procès-verbal de tout cela, quand nous serons tranquilles à

    deux frères furent tués ; auparavant, ils avaient abattu le commandant de la garde nationale de Sens, et tué ou blessé près de 40 assaillants. Un frère survivant et la sœur furent guillotinés (juin 1794, Wallon, IV, 352).