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LES GOUVERNANTS


que bande se met en campagne et ramasse, non seulement les grains, mais les subsistances de toute espèce. « Celle de Grenoble, écrit l’agent[1], fait merveille ; on a trouvé dans une seule petite commune 400 septiers de blé, 1200 œufs et 600 livres de beurre. Tout cela a pris lestement le chemin de Grenoble. » — Aux environs de Paris, les avant-coureurs de la troupe, munis de « fourches et de bayonnettes, se précipitent sur les métairies, délient les bœufs dans les étables, empoignent les moutons et les volailles, incendient les granges et vendent leurs larcins à des spéculateurs[2] ». Lard, œufs, beurre, poulets, les paysans livrent tout ce qu’on leur demande, en maudissant tout bas la République qui leur a donné la guerre et la famine ; mais ils obéissent ; quand on leur a dit : « Citoyen paysan, je te requiers sur ta tête…, il n’y a plus à reculer[3] ». —

    dans les dix départements circonvoisins une armée révolutionnaire de 1000 hommes par département, pour la réquisition des grains. Chaque armée sera dirigée par des commissaires étrangers au département, et opérera dans un département autre que celui où elle a été levée).

  1. Archives des affaires étrangères, 331 (Lettre de Chépy, 11 frimaire). — Un mois auparavant (6 brumaire), il écrivait : « Les cultivateurs se montrent très hostiles contre les villes et la loi du maximum. Rien ne se fera sans un corps d’armée révolutionnaire. »
  2. Mercier, Paris pendant la Révolution, I, 357.
  3. Hua, 197. — Je n’ai trouvé, dans les documents manuscrits ou imprimés, qu’un exemple de résistance : c’est celui des frères Chaperon, au hameau des Loges, près de Sens, qui déclarèrent n’avoir de blé que pour leur usage et se défendirent à coups de fusil. La gendarmerie n’ayant pas suffi pour les forcer, on sonna le tocsin, on fit venir la garde nationale de Sens et des environs, on amena du canon, et l’on finit par mettre le feu à la maison. Les