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LA RÉVOLUTION

C’est que, dans la province comme à Paris, par la mutilation de la hiérarchie locale et par l’introduction d’autorités nouvelles, sa volonté omnipotente est devenue partout et à chaque instant présente. Directement ou indirectement, « pour toutes les mesures de gouvernement et de salut public, pour tout ce qui est relatif aux personnes et à la police générale et intérieure, tous les corps constitués et tous les fonctionnaires publics sont sous son inspection[1] » ; je laisse à penser s’ils s’exposent à sa guillotine. Pour supprimer d’avance toute velléité d’inertie administrative, il a fait retirer aux administrations de département trop puissantes, trop considérées, « trop enclines au fédéralisme », leur prééminence départementale et « leur influence politique[2] » ; il les a réduites à la répartition des impôts, à la surveillance des routes et canaux ; il les épure ; il épure de même les administrations de district et les municipalités. Pour supprimer d’avance toute possibilité d’opposition populaire, il a fait réduire les séances des sections à deux par semaine, il y installe, moyennant quarante sous par jour et par tête, une majorité de sans-culottes, et il fait suspendre « jusqu’à nouvel ordre » les élections municipales[3]. Enfin, pour com-

  1. Décret du 13 frimaire an II (4 décembre 1793).
  2. Moniteur, XVIII, 473, 474, 478 (Discours de Billaud-Varennes). « Il faut que l’épée de Damoclès plane désormais sur toute la superficie. » Ce mot de Billaud résume l’esprit de toute l’institution nouvelle.
  3. Moniteur, XVIII, 275 (séance du 26 octobre 1793, discours de Barère) : « Cette mesure est la plus révolutionnaire que vous puissiez prendre. » (On applaudit.)