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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


sont conduits à la chambre d’arrêt de la mairie, déjà comble ; ils y passent la nuit, debout ou sur des bancs, presque sans pouvoir respirer. Le lendemain, on les entasse dans la prison des assassins et des voleurs, à la Force, au sixième étage, sous les toits ; ce grenier est si étroit que leurs lits se touchent, et que deux députés, faute de lit, couchent à terre. Au pied de l’escalier et sous les lucarnes qui servent de fenêtres, sont deux loges à cochons ; des latrines communes, au bout de la salle, et le baquet de nuit, dans un coin, achèvent d’empoisonner l’air déjà vicié par l’encombrement humain ; les lits sont des sacs de paille fourmillant de vermine ; on impose aux représentants la nourriture et la gamelle des forçats. Encore sont-ils heureux d’en être quittes à ce prix : car Amar[1] a taxé de conspiration leur habitude de silence, et d’autres Montagnards voudraient les envoyer, eux aussi, au Tribunal révolutionnaire : du moins, il reste convenu que le Comité de sûreté générale examinera leurs dossiers, et gardera toujours le droit de désigner parmi eux de nouveaux coupables. Pendant dix mois, ils vivent ainsi sous le couteau, et chaque jour ils peuvent s’attendre à rejoindre les vingt-deux sur la place de la Révolution. — Quant à ceux-ci,

  1. Buchez et Roux, XXIX, 178-179. Osselin : « Je demande le décret d’accusation contre tous. » — Amar : « La conduite en apparence nulle de la minorité de la Convention depuis le 2 juin était un nouveau plan de la conspiration concerté par Barbaroux. » — Robespierre : « S’il est d’autres criminels parmi ceux que vous avez mis en arrestation, le Comité de sûreté générale vous en présentera la nomenclature, et vous serez toujours libres de les frapper. »