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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


piers, pour avoir éteint l’incendie allumé par les bombes républicaines ; une veuve, pour avoir payé la contribution de guerre pendant le siège ; des revendeuses de poisson, pour avoir manqué de respect aux patriotes. « C’est une septembrisade » organisée, légale, et qui dure ; les auteurs ont si bien conscience de la chose, que dans leur correspondance publique ils écrivent le mot[1]. — À Toulon, c’est pis : on tue en tas, presque au hasard. Quoique les habitants les plus compromis, au nombre de 4000, se soient réfugiés sur les vaisseaux anglais, toute la ville, au dire des représentants, est coupable. Quatre cents ouvriers de la marine étant venus au-devant de Fréron, il remarque qu’ils ont travaillé pendant l’occupation anglaise, et les fait mettre à mort sur place. Ordre « aux bons citoyens de se rendre au Champ de Mars sous peine de vie » ; ils y viennent au nombre de 3000. Fréron, à cheval, entouré de canons et de troupes, arrive avec une centaine de Maratistes, anciens complices de Lemaille, Sylvestre et autres assassins notoires ; ce sont ses auxiliaires et conseillers locaux ; il leur dit de choisir dans la foule, à leur gré, selon leur rancune, leur envie ou leur caprice : tous ceux qu’ils ont désignés sont rangés le long d’un mur, et l’on tire dessus[2]. Le lendemain et les jours suivants,

  1. Guillon de Montléon, II, 399 (Lettre de Perrotin, membre de la commission intermédiaire, au comité révolutionnaire de Moulins, 26 novembre 1793). « L’opération que la nouvelle commission va faire doit se considérer comme l’organisation de la septembrisade ; ce sera le même procédé, mais légalisé par l’arrêté. »
  2. Mémoires de Fréron, (collection Barrière et Berville), 350 à