Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
58
LA RÉVOLUTION


— À Marseille, dit Danton[1], « il s’agit de donner une grande leçon à l’aristocratie marchande » ; nous devons « nous montrer aussi terribles envers les marchands qu’envers les nobles et les prêtres » ; là-dessus, 120 000 sont proscrits, et leurs biens mis en vente[2]. Dès le premier jour la guillotine travaillait à force ; néanmoins, le représentant Fréron la juge lente et trouve le moyen de l’accélérer. « La Commission mili-

    staté… Dans le nombre de ceux qui ont ainsi racheté leur vie il en est qui ne méritaient pas de la perdre, et qui cependant ont été menacés du supplice. » — Buchez et Roux, XXXII, 428 (Extrait des Mémoires de Senar) : « Le président de la commission militaire était un nommé Lacombe, déjà banni de la ville, par jugement, pour vol. Les autres individus employés par Tallien n’étaient qu’un ramas de valets, de banqueroutiers et de « filous. »

  1. Buchez et Roux, XXVIII, 403 (Discours de Danton, 31 août 1793, et décret conforme).
  2. Mallet du Pan, II, 17 « … Des milliers de négociants de Marseille et de Bordeaux, ici les respectables Gradis, là les Tarteron, ont été assassinés et leurs biens confisqués. J’ai vu la trente-deuxième liste des émigrés de Marseille seulement, dont les biens ont été confisqués. Il s’en trouve 12 000 et les listes ne sont pas achevées. » (1er février 1794). — Anne Plumptre, A narrative of three years’ residence in France from 1802 to 1805. « Pendant toute cette période, les rues de Marseille étaient presque celles d’une ville déserte. Une personne pouvait aller d’un bout de la ville à l’autre sans rencontrer quelqu’un qui pût être appelé un habitant. Les grands terroristes, desquels presque aucun n’était Marseillais, les militaires et les tape-durs, comme ils s’appelaient eux-mêmes, étaient presque les seules personnes que l’on pût apercevoir. » Ceux-ci, au nombre de cinquante ou soixante, en carmagnole, avec des lanières de cuir, tombaient à bras raccourci sur les gens qui leur déplaisaient, notamment sur ceux qui avaient une chemise propre ou une cravate blanche. Plusieurs personnes furent ainsi fouettées à mort sur le Cours. Nulle femme ne sortait sans un panier au bras, et tout homme portait la carmagnole ; sans quoi ils passaient pour aristocrates (II, 94)