Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


de procès[1], et 881 autres l’y suivent, au milieu du silence morne d’un peuple consterné[2] ; 200 gros négociants sont arrêtés en une nuit ; plus de 1500 personnes sont emprisonnées ; on rançonne tous les gens aisés, même ceux contre lesquels on n’a pu trouver de griefs politiques ; neuf millions d’amendes sont perçus « sur les riches égoïstes ». Tel[3], accusé « d’insouciance et de modérantisme », paye 20000 francs, pour « ne pas s’être attelé au char de la Révolution ». Tel autre, « convaincu d’avoir manifesté son mépris pour sa section et pour les pauvres en donnant 30 livres par mois », est taxé à 1200000 livres, et les nouvelles autorités, un maire escroc, douze coquins qui composent le Comité révolutionnaire, trafiquent des biens et des vies[4].

  1. Meillan, 142. — Archives des affaires étrangères, tome 332 (Lettre de Desgranges, Bordeaux, 8 brumaire an II) : « L’exécution du maire Saige, qui était fort aimé du peuple pour les bienfaits qu’il répandait sur lui, a vivement affligé, mais aucun murmure coupable ne s’est fait entendre. »
  2. Archives nationales, AF, II, 46 (Lettre de Jullien au Comité de Salut public, Bordeaux, 11 messidor an II) : « Il y a quelque temps, un silence morne était, dans les séances de la commission militaire, la réponse du peuple aux jugements de mort contre les conspirateurs. Le même silence les accompagnait à l’échafaud. La commune entière semblait gémir en secret de leur supplice. »
  3. Berryat Saint-Prix, la Justice révolutionnaire, 277, 299. — Arch. nat., AF, II, 46 (Registres du comité de surveillance à Bordeaux). Du 21 au 28 prairial, le chiffre des détenus oscille entre 1504 et 1529. Nombre des guillotinés, 882 (Mémoires de Senar).
  4. Archives nationales, AF, II, 46 (Lettre de Jullien, 12 messidor an II). « On a beaucoup volé ici. Le maire, maintenant en prison, est prévenu de dilapidations considérables. Le ci-devant comité de surveillance était gravement soupçonné ; beaucoup de gens hors la loi ne sont rentrés qu’en payant : le fait est con-