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LA RÉVOLUTION


il trouve le mot qui définit la situation : « Les Députés des assemblées primaires, dit-il, viennent d’exercer parmi nous l’initiative de la Terreur. » — De plus, il ramène à des mesures pratiques les motions absurdes des énergumènes : « Se lever en masse, oui, mais avec ordre, » en appelant d’abord la première classe de la réquisition, les hommes de dix-huit à vingt-cinq ans ; arrêter tous les suspects, oui, mais ne pas les mener à l’ennemi : « ils seraient dans nos armées plus dangereux qu’utiles ; enfermons-les, ils seront nos otages ». — Enfin il imagine un emploi pour les délégués, qui maintenant sont inutiles à Paris et peuvent servir en province : faisons d’eux « des espèces de représentants chargés d’exciter les citoyens… Que, de concert avec les bons citoyens et les autorités constituées, ils soient chargés de faire l’inventaire des grains et des armes, la réquisition des hommes, et que le Comité de Salut public dirige ce sublime mouvement… Ils vont tous jurer de donner, en retournant dans leurs foyers, cette impulsion à leurs concitoyens. » — Applaudissements universels ; tous les délégués crient : « Nous le jurons ! » Toute la salle se lève, tous les hommes des tribunes agitent leurs chapeaux et jurent de même. — Le tour est fait : un simulacre de vœu populaire a autorisé la politique, le personnel, le principe et le nom même de la Terreur. Quand aux instruments de l’opération, ils ne sont plus bons qu’à remettre en place. Les commissaires, dont la Montagne pourrait encore redouter les réclamations et l’ingérence, sont relégués chacun dans