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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE

Bien mieux, ce sont eux qui vont lui tracer sa ligne de conduite. — Dès le lendemain, 12 août, avec un zèle de nouveaux convertis, ils se répandent dans la salle des séances, en si grand nombre que l’Assemblée, ne pouvant plus délibérer, s’entasse à gauche et leur cède tout le côté droit pour qu’ils l’occupent et « le purifient[1] ». Tous les matériaux d’incendie accumulés en eux depuis quinze jours prennent feu et font explosion ; ils sont plus furieux que les plus outrés Jacobins ; ils répètent à la barre les extravagances de Rose Lacombe et des clubs ; ils vont au delà du programme que leur a tracé la Montagne. « Il n’est plus temps de délibérer, crie leur orateur, il faut agir[2]. Que le peuple se lève en masse ; lui seul peut anéantir ses ennemis… Nous demandons que tous les hommes suspects soient mis en état d’arrestation, qu’ils soient précipités aux frontières, suivis de la masse terrible des sans-culottes. Là, au premier rang, ils combattront pour la liberté qu’ils outragent depuis quatre ans ou ils seront immolés par le canon des tyrans… Les femmes, les enfants, les vieillards et les infirmes… seront gardés comme otages par les femmes et les enfants des sans-culottes. » — Danton saisit le moment ; avec sa lucidité ordinaire,

  1. Moniteur, XVII, 382 (séance du 12 août, discours de Lacroix).
  2. Ib., XVII, 387. — Cf. Ib., 410 (séance du 16 août). Les délégués reviennent pour insister sur la levée en masse ; la levée de la première classe ne leur paraît pas suffisante, — Buchez et Roux, XXVIII, 464. Aux Jacobins, le délégué Royer, curé de Châlons-sur-Marne, demande que les aristocrates, « enchaînés six par six, » soient mis dans les batailles en première ligne, « pour éviter les dangers du sauve-qui-peut ».