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LA RÉVOLUTION


« mettre la tête à la fenêtre nationale, qu’il a passé la tête à la chatière[1] ». Eux-mêmes ils ont le style et les plaisanteries de l’emploi. « Demain, à sept heures, écrit Hugues, dressez la sainte guillotine. » — « La demoiselle guillotine, écrit Le Carlier, va ici toujours son train[2]. » — « MM. les parents et amis d’émigrés et de prêtres réfractaires, écrit Lebon, accaparent la guillotine[3]… Avant-hier, la sœur du ci-devant comte de Béthune a éternué dans le sac. » — Carrier avoue hautement « le plaisir qu’il goûte » à voir exécuter des prêtres : « Jamais je n’ai tant ri que lorsque je les voyais faire leurs grimaces en mourant[4]. » C’est ici la suprême perversion de la nature humaine, celle d’un Domitien qui, sur le visage de ses condamnés, suit l’effet du supplice, mieux encore celle d’un nègre qui éclate de rire et se tient les côtes à l’aspect d’un homme sur le pal. — Et cette joie de contempler les angoisses de la mort sanglante, Carrier se la donne sur

  1. Camille Boursier, Essai sur la Terreur en Anjou, 164 (Lettre de Boniface, ex-bénédictin, président du comité révolutionnaire, au représentant Richard, 3 brumaire an II) : « Nous vous envoyons le nommé Henri Verdier, dit de la Sorinière… Vous ne serez pas longtemps à voir que c’est un présent que nous faisons à la guillotine… Le Comité vous demande de lui envoyer sacram sanctam guillotinam et le ministre républicain de son culte… Il n’est pas d’heure dans la journée où il ne nous arrive des récipiendaires que nous désirons initier à ses mistère (sic). »
  2. Thibaudeau, Histoire du Terrorisme dans le département de la Vienne, 34, 48. — Berryat-Saint-Prix, 239.
  3. Archives nationales, F7, 4435 (Lettre de Lebon, 23 floréal an II). — Paris, I, 241.
  4. Buchez et Roux, XXXIV, 184, 200 (Déposition de Chaux, Monneron et Villemain).