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LA RÉVOLUTION


campagnards, jusqu’aux enfants, se sont mis à la chaîne, et Duquesnoy vient à sa façon exciter leur zèle : à coups de pied et de poing, il tombe sur les gens qu’il rencontre, sur un employé de l’intendance, sur un officier convalescent, sur deux hommes qui sont à la chaîne, sur quantité d’autres. À l’un d’eux il crie : « Tu es un muscadin ». À un autre : « Je vois dans tes yeux que tu es aristocrate ». À celui-ci : « Tu es un f… gueux, un aristocrate, un coquin », et il le bourre de coups de poing dans l’estomac ; un quatrième est pris au collet et jeté sur le pavé[1]. Par surcroît, tous en prison. Le feu éteint, un imprudent, qui veut faire l’attentif, « invite » le distributeur de bourrades « à s’essuyer le front ». — « Toi, tu as les yeux faux. Qui es-tu ? Réponds. Je suis représentant. » — L’autre doucement : « Représentant, il n’y a rien de plus respectable. » — Duquesnoy porte au malencontreux courtisan le poing sous le nez : « Tu raisonnes, va-t’en en prison. » — « Ce que je fis sur-le-champ », ajoute l’administré docile. — Le soir même, « considérant que, dans l’incendie, aucun des habitants dont la fortune est aisée ne s’est présenté pour arrêter le feu[2], qu’il n’est venu que des sans-

  1. Alexandrine des Écherolles, Une Famille noble sous la Terreur, 209, — À Lyon, le commissaire Marino, « homme grand, fort, robuste, à voix de stentor, » ouvre son audience par une bordée « de jurons républicains… » La foule des solliciteurs s’écoule. « Une dame seule ose solliciter encore. — « Qui es-tu ? » — Elle se nomme. — « Comment ! tu as la hardiesse de prononcer en ces lieux le nom d’un traître ! Hors d’ici ! » Et, la poussant du bras, il la mit à la porte à coups de pied.
  2. Archives nationales, AF, II, 56. Quantité de témoignages