Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
LA RÉVOLUTION


« six années ne soit que le délire d’une maladie, après laquelle il a repris le fil de sa vie et de sa santé comme si de rien n’était[1]. » — Et Maignet écrit lui-même : « Je n’étais pas fait pour ces orages. » Cela est vrai de tous, et d’abord des naturels grossiers ; la subordination les eût comprimés ; la dictature les étale, et l’instinct brutal du soudard et du faune fait éruption.

Regardez un Duquesnoy, sorte de dogue toujours aboyant et mordant, plus furieux que jamais quand il est repu. Délégué à l’armée de la Moselle et passant par Metz[2], il a mandé devers lui l’accusateur public Altmayer,

    dis que les habitants de Saint-Lô vivaient de quelques onces de pain noir, « le meilleur pain, les vins exquis pillés chez Lemonnier étaient prodigués dans des poêles et des chaudrons aux chevaux du général Scepher et du représentant Laplanche. » Lemonnier, remis en liberté, n’a pu rentrer dans sa maison vidée, puis transformée en magasin ; il vit à l’auberge, dépouillé de toute sa propriété qui valait plus de 60 000 livres, n’ayant conservé, pour tous effets, qu’un couvert d’argent qu’il avait emporté avec lui en prison.

  1. Marcelin Boudet, 446 (notes de M. Ignace de Barante). — Ib., 440 (mémoire inédit de Maignet).
  2. Archives nationales, AF, II, 59. Extrait des procès-verbaux des séances de la Société populaire de Metz, et dépositions faites au comité de surveillance de la Société, 12 floréal an II, sur la conduite du représentant Duquesnoy, arrivé à Metz la veille, à 6 heures du soir. — Il y a 32 dépositions, entre autres celles de MM. Altmayer, Joly et Clédat. Un des témoins dit : « À ces propos, j’ai regardé le citoyen (Duquesnoy) comme ivre ou saoul, ou comme un homme hors de lui-même. » — Cette attitude est habituelle à Duquesnoy, — Cf. Paris, Histoire de Joseph Lebon, I, 273, 370, et Archives des affaires étrangères, vol. 329, lettre de Gadolle, 11 septembre 1793 : « J’ai vu Duquesnoy, le député, mort-ivre, à Bergues, le lundi de la Pentecôte, à 11 heures du soir. » — Un séjour en France de 1792 à 1795, 136. « Son tempérament naturellement sauvage est exalté jusqu’à la rage par l’abus des liqueurs fortes. Le général de… nous assure