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LA RÉVOLUTION


qu’à se reconnaître incapable, à refuser l’honneur que la Convention lui a conféré par mégarde, à rentrer sous terre. — Dubois de Crancé a pris Lyon, et, pour salaire de ce service immense, il est rayé des Jacobins ; parce qu’il n’a pas pris la ville assez vite, on l’accuse de trahison ; deux jours avant la capitulation, le Comité de Salut public lui a retiré ses pouvoirs ; trois jours après la capitulation, le Comité de Salut public le fait arrêter et ramener à Paris sous escorte[1]. — Si de tels hommes, après de tels actes, sont ainsi traités, qu’adviendra-t-il des autres ? Après la mission du jeune Jullien, Carrier à Nantes, Ysabeau et Tallien à Bordeaux sentent leurs têtes branler sur leurs épaules. Après la mission de Robespierre le jeune dans l’Est et le Midi, Barras, Fréron, Bernard de Saintes se croient perdus[2]. Perdus aussi Fouché, Rovère, Javogues, et combien d’autres, compromis par la faction dont ils sont ou dont ils ont été, Hébertistes, Dantonistes, sûrs de périr si leurs patrons du Comité succombent, incertains de vivre si leurs patrons du Comité se maintiennent, ne sachant pas si leurs têtes ne seront pas livrées en échange d’autres têtes, astreints à la plus étroite, à la plus rigoureuse, à la plus constante orthodoxie, coupables et condamnés

    suivante : « Merlin de Thionville, fameux par la capitulation de Mayence, et plus que soupçonné d’en avoir reçu le prix. »

  1. Guillon de Montléon, II, 207. — Fouché, par M. de Martel, 292.
  2. Hamel, III, 395 et suivantes. — Buchez et Houx, XXX, 435 (séance des Jacobins, 12 nivôse an II, discours de Collot d’Herbois) : « Aujourd’hui je ne reconnais plus l’opinion publique ; si j’étais arrivé trois jours plus tard à Paris, j’étais peut-être décrété d’accusation. »