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LES GOUVERNANTS


lui semble, taxe, emprisonne, déporte ou décapite qui bon lui semble, et dans sa circonscription il est pacha.

Mais c’est un pacha à la chaîne, et tenu de court. — À partir de décembre 1793, il lui est prescrit « de se conformer aux arrêtés du Comité de Salut public et de correspondre avec lui tous les dix jours[1] ». La circonscription dans laquelle il commande est « rigoureusement limitée » ; « il est réputé être sans pouvoir dans les autres départements[2] », et l’on ne souffre pas qu’il s’éternise à son poste. « Dans toute magistrature, il faut compenser la grandeur et l’étendue du pouvoir par la brièveté de sa durée. Des missions trop prolongées seraient bientôt considérées comme des patrimoines[3]. » Partant, au bout de deux ou trois mois, quelquefois au bout d’un mois, l’homme est rappelé à Paris ou expédié ailleurs, à court délai et à date fixe, d’un ton bref, absolu, parfois menaçant, non pas comme un collègue qu’on ménage, mais comme un subordonné que tout d’un coup, arbitrairement, on révoque ou l’on déplace, parce qu’on le juge insuffisant ou « usé ». Pour plus de sûreté, souvent un membre du Comité, Couthon, Collot, Saint-Just, ou le proche parent d’un membre du Comité, Le Bas, Robespierre jeune, va, de sa personne, imprimer sur place l’impression voulue ; quelquefois de simples agents du Comité, pris en dehors de la Conven-

  1. Décrets du 6 et du 14 frimaire an II.
  2. Archives nationales, AF, II, 22 (Arrêté du Comité de Salut public, 9 nivôse an II).
  3. Ib., AF, II, 37 (Lettre au Comité de la guerre, signée Barère et Billaud-Varennes, 25 pluviôse an II).