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LES GOUVERNANTS


modération, par égoïsme ou nonchalance, par inertie, neutralité, indifférence, desservent ou servent mal la Révolution[1]. — Reste à mettre des noms sous cet arrêt horriblement large. Qui les mettra ? Est-ce Billaud ? Est-ce Robespierre ? Billaud mettra-t-il le nom de Robespierre, ou Robespierre le nom de Billaud, ou chacun des deux le nom de l’autre, avec tels autres noms qu’il lui plaira de choisir dans les deux Comités ? Osselin, Chabot, Basire, Julien de Toulouse, Lacroix, Danton en étaient, et, après qu’ils en sont sortis, leurs têtes sont tombées[2]. Hérault de Séchelles y était encore, maintenu en place et avec honneur par l’approbation récente de la Convention[3], l’un des douze en titre et en fonctions, lorsqu’un arrêté des onze autres l’a pris subitement et

  1. Décret du 17 septembre 1793 sur les suspects. — Arrêté de la Commune de Paris, 10 octobre 1793, pour élargir la définition, et notamment pour y comprendre « ceux qui, n’ayant rien fait contre la liberté, n’ont aussi rien fait pour elle ». Cf. Papiers saisis chez Robespierre, III, 370, lettre de Payan : « Tous les hommes qui n’ont pas été pour la Révolution ont été par cela même contre elle, puisqu’ils n’ont rien fait pour la patrie… Dans les commissions populaires, l’humanité individuelle, la modération qui prend le voile de la justice, est un crime. »
  2. Mortimer-Ternaux, VIII, 394 et suivantes ; ib., 414 et suivantes (sur les titulaires successifs des deux Comités).
  3. Wallon, Histoire du Tribunal révolutionnaire, III, 129-131. — Hérault de Séchelles, lié avec Danton et accusé d’être indulgent, venait pourtant de donner des gages et d’appliquer le régime révolutionnaire en Alsace avec une raideur digne de Billaud (Archives des affaires étrangères, volume 1411) : « Instructions pour les commissaires civils par Hérault, représentant du peuple » (Colmar, 2 frimaire an II), avec indication des catégories de personnes qu’il faut « rechercher, arrêter et faire conduire sur-le-champ dans la maison d’arrêt », environ les dix-neuf vingtièmes des habitants.