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LA RÉVOLUTION


notamment, il importe de se confondre avec la foule, de ne pas se faire remarquer par les claqueurs soldés, par les chenapans avinés, par « les jupons gras » des tribunes. Même il faut crier comme eux et à l’unisson, figurer dans leurs farces de guinguette. Pendant quatorze mois, les députations des sociétés populaires viennent réciter à la barre leurs tirades extravagantes ou plates, et la Convention est tenue d’applaudir. Pendant neuf mois[1], des rimeurs de carrefour et des polissons de café viennent en pleine séance chanter des couplets de circonstance, et la Convention est tenue de faire chorus. Pendant six semaines[2], les profanateurs d’églises viennent étaler dans la salle leurs bouffonneries de bas-

    tillon. Rapport du 25 nivôse an II : « Étant en députation auprès de la Convention, des colègues me mène dîner dans le jardin ci-devant Bréteuil dans un grand salon bien parquetés… On demande la carte et je me trouve après avoir mangé un potage au ritz, du bœuf, une bouteille de vin et 2 pommes de terre avoir dépensé à ce que l’on me dit 8 fr. 12 s. parce que je ne suis pas riche. Foutre, leur di-je qu’est-ce que les riches payes icy ?… Il est bon de dire que j’ai vu arriver dans cette grande salle des ci-devant marquis comtes et chevallier du poignard de l’ancien régime, des députés, etc., mais j’avoue que je n’ai pu me rappeler du vrais nom des ci-devant noble… Car les b… déguisé en sansculotte, le diable ne les reconnaîtrait pas. »

  1. Buchez et Roux, XXVIII, 237, 308 (5 et 14 juillet 1793). — Moniteur, XIX, 716 (26 ventôse an II), Danton fait décréter « qu’on n’entendra plus à la barre que la raison en prose ». Néanmoins, après son supplice, ces sortes de parades recommencent. Le 12 messidor, « un citoyen, admis à la barre, lit un poème qu’il a composé pour célébrer les succès de nos armées sur la Sambre » (Moniteur, XXI, 101.)
  2. Moniteur, XVIII, 369, 397, 399, 420, 455, 469, 471, 479, 488, 492, 500, etc. — Mercier, le Nouveau Paris, II, 96. — Dauban, la Démagogie en 1793, 500, 505 (Article de Prudhomme et Diurnal de Beaulieu).