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LES GOUVERNANTS


tout drapeau et les coquins de tout degré, l’intelligence est naturelle. « Tout aristocrate est corrompu, et tout homme corrompu est aristocrate » ; car « le gouvernement républicain et la morale publique, c’est la même chose[1] ». Non seulement les malfaiteurs des deux espèces tendent par instinct et par intérêt à se liguer entre eux, mais leur ligue est faite. Il suffit d’ouvrir les yeux pour apercevoir « dans toute son étendue » la trame qu’ils ont ourdie, « le système affreux de détruire la morale publique[2] ». Guadet, Vergniaud, Gensonné, Danton, Hébert, « tous ces personnages artificieux » n’avaient pas d’autre objet : « Ils sentaient[3] que, pour détruire la liberté, il fallait favoriser, par tous les moyens, tout ce qui tend à justifier l’égoïsme, à dessécher le cœur, et à effacer l’idée de ce Beau moral qui est la seule règle par laquelle la raison publique juge les défenseurs et les ennemis de l’humanité. » — Restent leurs héritiers ; mais qu’ils prennent garde. L’immoralité est un attentat politique ; on complote contre l’État, par cela seul qu’on affiche le matérialisme ou qu’on prêche l’indulgence, quand on est scandaleux dans sa conduite ou débraillé dans ses mœurs, quand on agiote, quand on dîne trop bien, quand on est vicieux, intrigant, exagéré ou trembleur, quand on agite le peuple, quand on pervertit le peuple,

  1. Buchez et Roux, XXXIII, 417 (Discours du 8 thermidor an II).
  2. Ib., XXXII, 361 (Discours du 7 mai 1794) et 359. « L’immoralité est la base du despotisme, comme la vertu est l’essence de la République. »
  3. Ib., 371.