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LES GOUVERNANTS


rendre l’Assemblée indulgente aux fautes de sens et de goût qu’il commettait. — Un jour, à propos des arrêts du Conseil : « Il faut, dit-il, une forme noble et simple qui annonce le droit national et porte dans le cœur des peuples le respect de la loi ; » en conséquence, dans les décrets promulgués, après ces mots : « Louis par la grâce de Dieu, etc., » on devra mettre : Peuples, voici la loi qui vous est imposée : que cette loi soit inviolable et sainte pour tous ! » — Sur quoi, un député Gascon se lève, et avec son accent méridional : « Messieurs, dit-il, cette formule ne vaut rien ; il ne nous faut pas de cantique[1]. » Rire universel ; Robespierre se tait et saigne intérieurement : deux ou trois mésaventures pareilles écorchent un homme comme lui de la tête aux pieds.

Non pas que sa sottise lui semble une sottise ; jamais pédant, pris et sifflé en flagrant délit de pédanterie, ne s’avouera qu’il a mérité les sifflets ; au contraire il est convaincu qu’il a parlé en législateur, en philosophe, en moraliste : tant pis pour les esprits bornés et les cœurs gâtés qui ne l’ont pas compris. — Refoulée en dedans, sa vanité endolorie cherche au dedans une

  1. Courrier de Provence, III, n° 51 (7 et 8 octobre 1789). — Buchez et Roux, VI, 372 (séance du 10 juillet 1790). Autre bévue analogue de Robespierre à propos d’une députation des Américains. Le président leur a fait une réponse « unanimement applaudie ». Robespierre veut, par surcroît, répondre lui-même, insiste et persiste malgré les réclamations de l’Assemblée, qui s’impatiente de son verbiage et finit par l’obliger à se taire. Alors, au milieu des risées, l’abbé Maury demande « ironiquement l’impression du discours de M. Robespierre ».